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ACTE II, SCÈNE I.

cardinal lui trouve aussitôt de l’emploi, et toujours fort loin de la cour. SECOND BOURGEOIS. — Tout le peuple le hait à mort, et, sur ma conscience, tous voudraient le voir à dix brasses sous terre, et ils aiment et idolâtrent le duc en proportion ; ils l’appellent le généreux Buckingham, le miroir de toute courtoisie. PREMIER BOURGEOIS. — Restez à cette place et vous allez voir le noble infortuné dont vous parlez.

(Entre Buckingham, revenant de son jugement : des huissiers à baguette argentée le précèdent ; la hache est portée le tranchant tourné vers lui ; il est entre deux rangs de hallebardes et accompagné de sir Thomas Lovel, sir Nicolas Vaux, sir William Sands et du peuple)

SECOND BOURGEOIS. — Demeurons pour le voir. BUCKINGHAM. — Bon peuple, vous tous, qui êtes venus jusqu’ici pour me témoigner votre compassion, écoutez ce que je vais vous dire, et ensuite retournez chez vous et laissez-moi aller. J’ai subi dans ce jour la condamnation des traîtres, et je vais mourir sous ce nom. Cependant, le ciel en soit témoin, et s’il est en moi une conscience, qu’elle m’entraîne dans l’abîme, au moment où la hache tombera sur ma tête, je suis innocent et fidèle. Je n’en veux point à la loi de ma mort ; d’après l’état du procès, on m’a fait justice ; mais je pourrais désirer que ceux qui ont cherché à me faire périr fussent plus chrétiens. — Qu’ils soient ce qu’ils voudront, je leur pardonne de tout mon cœur. Cependant qu’ils prennent garde à ne pas se glorifier dans le mal et à ne pas élever leur coupable grandeur sur la ruine des hommes considérables ; car alors mon sang innocent pourrait crier contre eux. Je n’espère plus de vie dans ce monde, et je ne solliciterai pas de grâce, quoique le roi ait plus de clémence que je n’oserais commettre de fautes. Je le demande au petit nombre d’entre vous qui m’aiment et qui osent avoir le courage de pleurer sur Buckingham ; vous, mes nobles amis, mes compagnons, vous à qui je peux dire que vous quitter est pour moi la seule amertume, que cela seul est mourir ; accompagnez-moi, comme de bons anges, jusqu’à la mort, et lorsque le coup de la hache