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HENRI VIII.


fit que nos Anglais ont retiré de leur dernier voyage se réduit à une ou deux grimaces, mais aussi des plus ridicules. Quand ils les étalent, vous jureriez sans hésiter que leur nez a été du conseil de Pépin ou de Clotaire, tant ils le portent haut. SANDS.—Ils se sont tous fait de nouvelles jambes, et tout estropiées ; quelqu’un qui ne les aurait jamais vus marcher auparavant leur croirait les éparvins ou des convulsions dans les jarrets. LE CHAMBELLAN.—Par la mort ! milord, leurs habits aussi sont taillés sur un patron tellement païen qu’il faut qu’ils aient mis leur chrétienté au rebut. (Entre sir Thomas Lovel.) Eh bien, quelles nouvelles, sir Thomas Lovel ? LOVEL.—En vérité, milord, je n’en sais aucune que le nouvel édit qui vient d’être affiché aux portes du palais. LE CHAMBELLAN.—Quel en est l’objet ? LOVEL.—La réforme de nos voyageurs du bel air, qui remplissaient la cour de querelles, de jargon, et de tailleurs. LE CHAMBELLAN.—J’en suis bien aise ; et je voudrais prier aussi nos messieurs de croire qu’un courtisan anglais peut avoir du sens, sans avoir jamais vu le Louvre. LOVEL.—Il faut qu’ils se décident (car telles sont les dispositions de l’ordonnance) ou à abandonner ces restes d’accoutrement de fou, ces plumes qu’ils ont rapportées de France, et toutes ces brillantes billevesées qu’ils y ajoutent, comme leurs combats et leurs feux d’artifices, et toute cette science étrangère dont ils viennent insulter des gens qui valent mieux qu’eux ; qu’ils abjurent net leur culte religieux pour la paume, les bas qui montent au-dessus du genou, leurs courts hauts-de-chausses bouffis, et toute cette enseigne de voyageurs, et qu’ils en reviennent à se comporter en honnêtes gens ; ou bien qu’ils plient bagage pour aller rejoindre leurs anciens compagnons de mascarade ; là, je crois, ils pourront cum privilegio achever d’user jusqu’au bout leur sottise et se faire moquer d’eux. SANDS.—Il est grand temps de leur administrer le remède, tant leur maladie est devenue contagieuse !