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HENRI VIII.


qu’à moi seul, il prononça ces paroles d’un ton grave et mystérieux : Dites au duc que ni le roi ni ses héritiers ne prospéreront : exhortez-le à s’efforcer de gagner l’amour du peuple : le duc gouvernera l’Angleterre.» CATHERINE.—Si je vous connais bien, vous étiez l’intendant du duc ; et vous avez perdu votre emploi sur les plaintes de ses vassaux. Prenez bien garde de ne pas accuser, dans un mouvement de haine, un noble personnage, et de ne pas perdre votre âme, plus noble encore : je vous le répète, prenez-y bien garde ; oui, je vous en conjure avec instance. LE ROI HENRI.—Laissez-le parler.—Allons, continue. L’INTENDANT.—Sur mon âme, je ne dirai que la vérité. Je fis observer alors à milord duc que le moine pouvait être déçu par les illusions du diable, et qu’il était dangereux pour lui de s’arrêter à ruminer sur ces idées avec assez d’application pour qu’il en sortit quelque projet qu’il finirait par croire possible, et qu’alors vraisemblablement il voudrait exécuter. « Bah ! me répondit-il, il n’en peut résulter aucun mal pour moi ; » ajoutant encore que, si le roi eût succombé dans sa dernière maladie, les têtes du cardinal et de sir Thomas Lovel auraient sauté. LE ROI HENRI.— Eh quoi ! si haineux ? Oh, oh ! cet homme est dangereux.—Sais-tu quelque chose de plus ? L’INTENDANT.—Oui, mon souverain. LE ROI HENRI.—Poursuis. L’INTENDANT.—Étant à Greenwich, lorsque Votre Majesté eut réprimandé le duc à l’occasion de sir William Bloomer… LE ROI HENRI.—Je me souviens de cela. C’était un homme qui s’était engagé à mon service, et le duc le retint pour lui.—Mais voyons : eh bien ! après ? L’INTENDANT.—« Si, dit-il, on m’avait arrêté pour cela, et qu’on m’eût envoyé, par exemple, à la Tour, je crois que j’aurais exécuté le rôle que mon père méditait de jouer sur l’usurpateur Richard. Mon père, étant à Salisbury, tacha d’obtenir qu’il lui fût permis de paraître en sa présence : si Richard y eût consenti, mon