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ACTE I, SCÈNE I.
quelques gardes et deux secrétaires tenant des papiers. Le cardinal et Buckingham fixent en passant leurs regards l’un sur l’autre d’un air plein de mépris.)

WOLSEY.—L’intendant du duc de Buckingham ? Ah ! où est sa déposition ? LE SECRÉTAIRE.—La voici, avec votre permission. WOLSEY.—Est-il prêt à la soutenir en personne ? LE SECRÉTAIRE.—Oui, dès qu’il plaira à Votre Grâce. WOLSEY.—Eh bien ! nous en saurons donc davantage, et Buckingham abaissera ce regard altier.

(Wolsey sort avec sa suite.)

BUCKINGHAM.—Ce chien de boucher[1] a la dent venimeuse, et je ne suis pas en état de le museler : il vaut donc mieux ne point l’éveiller de son sommeil. Le livre d’un gueux vaut mieux aujourd’hui que le sang d’un noble. NORFOLK.—Quoi ! vous vous emportez ? Priez le ciel qu’il vous donne la modération ; elle est le seul remède à votre mal. BUCKINGHAM.—J’ai lu dans ses yeux quelque projet contre moi ; son regard est tombé sur moi comme sur l’objet de ses mépris : en ce moment même il me joue quelque tour perfide. Il est allé chez le roi ; je veux le suivre et l’effrayer par ma présence. NORFOLK.—Demeurez, milord ; attendez que votre raison ait interrogé votre colère, sur ce que vous allez faire. Pour gravir une pente escarpée, il faut monter doucement d’abord. La colère ressemble à un cheval fougueux qui, abandonné à lui-même, est bientôt fatigué par sa propre ardeur. Personne, en Angleterre, ne pourrait me conseiller aussi bien que vous : soyez pour vous-même ce que vous seriez pour votre ami. BUCKINGHAM.—Je vais aller trouver le roi ; et je veux faire taire, en parlant comme il sied à un homme de mon rang, ce roturier d’Ipswich, ou bien je publierai qu’il n’y a plus aucune distinction entre les hommes.

  1. Wolsey était fils d’un boucher.