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mort ! Les âmes de tes neveux viennent te le souhaiter. Désespère et meurs ! (À Richmond.) Dors, Richmond, dors en paix, et réveille-toi dans la joie. Que les bons anges te gardent du sanglier ! Vis et sois le père d’une race heureuse de rois ! Les malheureux enfants d’Édouard font des vœux pour ta prospérité !

(L’ombre de la reine Anne sort de terre.)

L’Ombre. à Richard.― C’est ta femme, Richard, la malheureuse Anne, ta femme, qui ne goûta jamais près de toi une heure d’un tranquille sommeil ; c’est elle qui remplit ton sommeil de trouble. Pense à moi demain dans la bataille, et que ton épée tombe émoussée. Désespère et meurs ! (À Richmond.) Et toi, âme paisible, dors d’un paisible sommeil ; rêve de succès et d’une heureuse victoire. La femme de ton adversaire prie pour toi !

(L’ombre de Buckingham sort de terre.)

L’Ombre. à Richard.― C’est moi qui le premier t’aidai à monter sur le trône ; c’est moi qui le dernier éprouvai ta tyrannie. Oh ! pense à Buckingham dans la bataille, et meurs dans les terreurs de tes forfaits. Rêve, rêve de faits sanglants et de mort, de défaite, de désespoir, et dans le désespoir rends ton dernier soupir ! (À Richmond.) J’ai péri pour t’avoir voulu seconder, avant que je pusse te prêter mon appui. Mais que ton cœur s’affermisse et ne sois point effrayé : Dieu et les bons anges combattent pour Richmond, et Richard va tomber de toute la hauteur de son orgueil.

(Les ombres disparaissent.)

(Le roi Richard sort en sursaut de son rêve.)

Le roi Richard. ― Donnez-moi un autre cheval.― Bandez mes plaies.― Jésus, aie pitié de moi ! ― Mais doucement, ce n’est qu’un rêve. Ô lâche conscience, comme tu me tourmentes ! Ce flambeau jette une flamme bleuâtre. Nous sommes au plus profond de la nuit. La sueur froide de la crainte couvre mon corps tremblant.― De quoi ai-je donc peur ? De moi ? Il n’y a ici que moi. Richard aime Richard.― Y a-t-il ici quelque meurtrier ? Non.― Oui, moi. Fuyons donc. Quoi, me fuir moi-même ? Beau projet ! et pourquoi ? De peur que je ne me venge… Quoi !