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et de la guerre aux regards meurtriers. Moi, autant que je le pourrai (car je ne puis faire tout ce que je désirerais), je chercherai les moyens d’éluder et de te secourir dans la confusion du combat ; mais je ne peux me déclarer trop ouvertement pour toi, de crainte que, si mes mouvements étaient aperçus, ton jeune frère George ne fût exécuté à la vue de son père. Adieu. Le temps et le danger coupent court aux témoignages usités d’attachement ; et à cet abondant échange de discours affectueux dont auraient besoin des amis séparés depuis si longtemps. Dieu veuille nous donner le loisir de vaquer à ce culte de l’amitié ! Encore une fois, adieu. Vaillance et succès !

Richmond. ― Chers lords, conduisez-le jusqu’à son quartier. Je vais tâcher, au milieu du trouble de mes pensées, de prendre quelque repos, de crainte qu’un sommeil de plomb ne m’accable demain, lorsqu’il me faudra monter sur les ailes de la Victoire. Encore une fois, bonne nuit, chers lords, et messieurs. (Sortent les lords avec Stanley.) Ô toi dont je me regarde ici comme le capitaine, jette sur mes soldats un regard favorable ! Mets dans leurs mains les massues meurtrières de ta vengeance, et que de leur chute pesante elles écrasent les casques usurpateurs de nos ennemis ! Fais de nous les ministres de ta justice, afin que nous puissions te glorifier dans la victoire ! C’est sur toi que je me repose des soins qui occupent mon âme, tandis que je vais laisser tomber le rideau de mes paupières. Soit que je dorme ou que je veille, oh ! ne cesse pas de me défendre !

(Il s’endort.)

(L’ombre du prince Édouard, fils de Henri VI, sort de terre entre les deux tentes.)

L’Ombre. à Richard.― Que demain je pèse sur ton âme ! Souviens-toi comme tu m’as assassiné dans la fleur de ma jeunesse à Tewksbury. Désespère donc, et meurs. (À Richmond.) Aie bon courage, Richmond : les âmes irritées des princes égorgés combattent pour toi : c’est le fils du roi Henri, Richmond, qui vient t’encourager.

(L’ombre du roi Henri VI sort de terre.)