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causé tant d’émotion ; mais je pourrais vous affliger encore davantage.

LÉONTES.—Faites-le, Pauline ; car cette tristesse a autant de douceur que les plus grandes consolations.—Eh quoi ! il me semble qu’il sort de sa bouche un souffle : quel habile ciseau a donc pu sculpter l’haleine ! Que personne ne rie ; mais je veux l’embrasser.

PAULINE.—Mon cher seigneur, arrêtez. Le vermillon de ses lèvres est encore humide ; vous le gâteriez, si vous l’embrassiez, et vous souilleriez les vôtres de l’huile de la peinture. Fermerai-je le rideau ?

LÉONTES.—Non, non, pas de vingt ans.

PERDITA.—Je pourrais rester tout ce temps à la contempler.

PAULINE.—Ou arrêtez-vous là et quittez cette chapelle, ou préparez-vous à un plus grand étonnement. Si vous pouvez en soutenir la vue, je vais faire mouvoir véritablement la statue, la faire descendre et venir vous prendre la main ; mais alors vous croiriez, et cependant je proteste qu’il n’en est rien, que je suis aidée des esprits du mal.

LÉONTES.—Tout ce qu’il est en votre pouvoir de lui faire faire, je serai satisfait de le voir ; tout ce qu’il est en votre pouvoir de lui faire dire, je serai satisfait de l’entendre ; car il est aussi aisé de la faire parler que de la faire mouvoir.

PAULINE.—Il faut que vous réveilliez toute votre foi. Allons, demeurez tous immobiles, ou que ceux qui croiront que j’accomplis quelque œuvre illicite se retirent.

LÉONTES.—Commencez ; personne ne bougera d’un pas.

PAULINE, à des musiciens.—Musique, éveillez-la. Commencez,—il est temps ; descends, cesse d’être une pierre ; approche et frappe d’étonnement tous ceux qui te regardent. Allons, je vais fermer ta tombe ; remue, descends, rends à la mort ce silence obstiné ; car la vie chérie te rachète de ses bras.—Vous le voyez, elle se remue. (Hermione descend.) Ne tressaillez point ; ses actions seront saintes comme l’enchantement que vous tenez pour légitime ; ne l’évitez point que vous ne la revoyiez mourir