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avec toute certitude qu’elle est la fille du roi.—Avez-vous assisté à l’entrevue des deux rois ?

SECOND GENTILHOMME.—Non.

TROISIÈME GENTILHOMME.—Alors vous avez perdu un spectacle qu’il fallait voir et qu’on ne peut raconter. Alors vous auriez vu une joie en commencer une autre ; et de manière qu’il semblait que le chagrin pleurait de s’éloigner d’eux, car leur joie nageait dans des flots de larmes. Il fallait les voir élever leurs regards et leurs mains vers le ciel avec des visages si altérés, qu’on ne pouvait les reconnaître qu’à leurs vêtements et nullement à leurs traits. Notre roi, comme prêt à s’élancer hors de lui-même, dans sa joie de retrouver sa fille, s’écrie, comme si sa joie eût été une perte : Oh ! ta mère ! ta mère ! Ensuite il demande pardon au roi de Bohême, et puis il embrasse son gendre ; et puis il tourmente sa fille en la prenant dans ses bras, et puis il remercie le vieux berger, qui était là debout près de lui, comme un conduit rongé par le laps de plusieurs règnes successifs. Je n’ai jamais ouï parler de pareille entrevue, qui ne permet pas au récit boiteux de la suivre et défie la description de la représenter.

SECOND GENTILHOMME.—Et qu’est devenu, je vous prie, Antigone, qui emporta l’enfant d’ici ?

TROISIÈME GENTILHOMME.—C’est encore comme un vieux conte, où il y a matière à raconter, lors même que toute foi serait endormie et qu’il n’y aurait pas une oreille ouverte. Il a été mis en pièces par un ours, et cela est garanti par le fils du berger, qui a non-seulement sa simplicité (qui semble incroyable) pour appuyer son témoignage, mais qui produit encore un mouchoir et des anneaux d’Antigone, que Pauline reconnaît.

PREMIER GENTILHOMME.—Et sa barque, et ceux qui le suivaient, que sont-ils devenus ?

TROISIÈME GENTILHOMME.—Naufragés au même instant où leur maître a péri, et à la vue du berger, en sorte que tous les instruments qui avaient servi à exposer l’enfant furent perdus au moment où l’enfant a été trouvé. Mais quel noble combat entre la joie et la douleur s’est passé