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le revoir), tempérez sa colère par vos sages conseils. La fortune et moi nous allons lutter ensemble à l’avenir. Voici ce que vous pouvez savoir et redire, que je me suis lancé à la mer avec celle que je ne puis conserver ici sur le rivage ; et, fort heureusement pour notre besoin, j’ai un vaisseau prêt à partir, qui n’était pas préparé pour ce dessein. Quant à la route que je veux tenir, il n’est d’aucun avantage pour vous de le savoir, ni d’aucun intérêt pour moi que vous puissiez le redire.

CAMILLO.—Ah ! seigneur, je voudrais que votre caractère fût plus docile aux avis, ou plus fort pour répondre à votre nécessité.

FLORIZEL.—Écoutez, Perdita. (A Camillo.) Je vais vous entendre tout à l’heure.

CAMILLO, à part.—Il est inébranlable : il est décidé à fuir. Maintenant je serais heureux si je pouvais faire servir son évasion à mon avantage ; le sauver du danger, lui prouver mon affection et mon respect ; et parvenir ainsi à revoir ma chère Sicile, et cet infortuné roi, mon maître, que j’ai si grande soif de revoir.

FLORIZEL.—Allons, cher Camillo, je suis chargé d’affaires si importantes que j’abjure toute cérémonie.

CAMILLO, se préparant à sortir.—Seigneur, je pense que vous avez entendu parler de mes faibles services, et de l’affection que j’ai toujours portée à votre père ?

FLORIZEL.—Vous avez bien mérité de lui ; c’est une musique pour mon père que de raconter vos services ; et il n’a pas négligé le soin de les récompenser suivant sa reconnaissance.

CAMILLO.—Eh bien ! seigneur, si vous avez la bonté de croire que j’aime le roi, et en lui ce qui lui tient de plus près, c’est-à-dire votre illustre personne, daignez vous laisser diriger par moi, si votre projet plus réfléchi et médité à loisir peut encore souffrir quelque changement. Sur mon honneur, je vous indiquerai un lieu où vous trouverez l’accueil qui convient à Votre Altesse ; où vous pourrez posséder librement votre amante (dont je vois que vous ne pouvez être séparé que par votre ruine, dont vous préserve le ciel !). Vous pourrez l’épouser,