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FLORIZEL.—Non, mon bon monsieur, il est plein de santé, et il a même plus de forces que n’en ont la plupart des vieillards de son âge.

POLIXÈNE.—Par ma barbe blanche, si cela est, vous lui faites une injure qui ne sent pas trop la tendresse filiale : il est raisonnable que mon fils se choisisse lui-même une épouse ; mais il serait de bonne justice aussi que le père, à qui il ne reste plus d’autre joie que celle de voir une belle postérité, fût un peu consulté dans pareille affaire.

FLORIZEL.—Je vous accorde tout cela ; mais, mon vénérable monsieur, pour quelques autres raisons qu’il n’est pas à propos que vous sachiez, je ne donne pas connaissance de cette affaire à mon père.

POLIXÈNE.—Il faut qu’il en soit instruit.

FLORIZEL.—Il ne le sera point.

POLIXÈNE.—Je vous en prie, qu’il le soit.

FLORIZEL.—Non, il ne le faut pas.

LE BERGER.—Qu’il le soit, mon fils ; il n’aura aucun sujet d’être fâché, quand il viendra à connaître ton choix.

FLORIZEL.—Allons, allons, il ne doit pas en être instruit.—Soyez seulement témoins de notre union.

POLIXÈNE, se découvrant.—De votre divorce, mon jeune monsieur, que je n’ose pas appeler mon fils. Tu es trop vil pour être reconnu, toi, l’héritier d’un sceptre, et qui brigues ici une houlette.—(Au père.) Toi, vieux traître, je suis fâché de ne pouvoir, en te faisant pendre, abréger ta vie que d’une semaine.—(A Perdita.) Et toi, jeune et belle séductrice, tu dois à la fin connaître malgré toi le royal fou auquel tu t’es attaquée.

LE BERGER.—O mon cœur !

POLIXÈNE.—Je ferai déchirer ta beauté avec des ronces, et je rendrai ta figure plus grossière que ton état.—Quant à toi, jeune étourdi, si jamais je m’aperçois que tu oses seulement pousser un soupir de regret de ne plus voir cette petite créature (comme c’est bien mon intention que tu ne la revoies jamais), je te déclare incapable de me succéder, et je ne te reconnaîtrai pas plus pour