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plus mal employé votre temps ; sinon, le Temps lui-même vous dit qu’il vous souhaite sincèrement de ne jamais l’employer plus mal.

(Il sort.)


Scène I

Appartement dans le palais.

Entrent POLIXÈNE ET CAMILLO.

POLIXÈNE.—Je te prie, cher Camillo, ne m’importune pas davantage ; c’est pour moi une maladie de te refuser quelque chose ; mais ce serait une mort de t’accorder cette demande.

CAMILLO.—Il y a seize années que je n’ai revu mon pays. Je désire y reposer mes os, quoique j’aie respiré un air étranger pendant la plus grande partie de ma vie. D’ailleurs, le roi repentant, mon maître, m’a envoyé demander : je pourrais apporter quelque soulagement à ses cruels chagrins, ou du moins j’ai la présomption de le croire ; ce qui est un second aiguillon qui me pousse à partir.

POLIXÈNE.—Si tu m’aimes, Camillo, n’efface pas tous tes services passés, en me quittant à présent : le besoin que j’ai de toi, c’est ta propre vertu qui l’a fait naître ; il valait mieux ne te posséder jamais que de te perdre ainsi : tu m’as commencé des entreprises que personne n’est en état de bien conduire sans toi : tu dois ou rester pour les mener toi-même jusqu’à leur entière exécution, ou emporter avec toi tous les services que tu m’as rendus. Si je ne les ai pas assez récompensés, et je ne puis trop les récompenser, mon étude désormais sera de t’en prouver mieux ma reconnaissance, et j’en recueillerai encore l’avantage d’augmenter notre amitié. Je te prie, ne me parle plus de ce fatal pays de Sicile, dont le nom seul me rappelle avec douleur le souvenir de mon frère, avec lequel je suis réconcilié, de ce roi repentant, comme tu le nommes, et pour lequel on doit même à présent déplorer comme de nouveau la perte qu’il a faite de ses enfants