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Enfin, je me suis vue traînée dans ce lieu en plein air, avant d’avoir recouvré les forces nécessaires. A présent, seigneur, dites-moi de quels biens je jouis dans la vie, pour craindre de mourir ? Ainsi, poursuivez ; mais écoutez encore ces mots : ne vous méprenez pas à mes paroles.—Non ; pour la vie, je n’en fais pas plus de cas que d’un fétu.—Mais pour mon honneur (que je voudrais justifier), si je suis condamnée sur des soupçons, sans le secours d’autres preuves que celles qu’éveille votre jalousie, je vous déclare que c’est de la rigueur, et non de la justice. Seigneur, je m’en rapporte à l’oracle : qu’Apollon soit mon juge.

UN DES SEIGNEURS, à la reine.—Cette requête, de votre part, madame, est tout à fait juste ; ainsi qu’on produise, au nom d’Apollon, l’oracle qu’il a prononcé.

(Quelques-uns des officiers sortent.)

HERMIONE.—L’empereur de Russie était mon père ; ah ! s’il vivait encore, et qu’il vît ici sa fille accusée ! Je voudrais qu’il pût voir seulement la profondeur de ma misère ; mais pourtant avec des yeux de pitié et non de vengeance !

(Quelques officiers rentrent avec Dion et Cléomène.)

UN OFFICIER.—Cléomène, et vous, Dion, vous allez jurer, sur l’épée de la justice, que vous avez été tous deux à Delphes ; que vous en avez rapporté cet oracle, scellé et à vous remis par la main du grand-prêtre d’Apollon ; et que, depuis ce moment, vous n’avez pas eu l’audace de briser le sceau sacré, ni de lire les secrets qu’il couvre.

CLÉOMÈNE ET DION.—Nous jurons tout cela.

LÉONTES.—Brisez le sceau et lisez.

L’OFFICIER rompt le sceau et lit.—« Hermione est chaste, Polixène est sans reproche, Camillo est un sujet fidèle, Léontes un tyran jaloux, son innocente enfant un fruit légitime ; et le roi vivra sans héritier, si ce qui est perdu ne se retrouve pas. »

TOUS LES SEIGNEURS s’écrient.—Loué soit le grand Apollon !

HERMIONE.—Qu’il soit loué !

LÉONTES, à l’officier.—As-tu lu la vérité ?