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Il n’est point de voix persuasive ; non, il n’en est point dans le monde, qui pût me gagner aussitôt que la vôtre, et il en serait ainsi aujourd’hui, si ma présence vous était nécessaire, quand le besoin exigerait de ma part un refus. Mes affaires me rappellent chez moi ; y mettre obstacle, ce serait me punir de votre affection ; et un plus long séjour deviendrait pour vous une charge et un embarras ; pour nous épargner ces deux inconvénients, adieu, mon frère.

LÉONTES.—Vous restez muette, ma reine ? Parlez donc.

HERMIONE.—Je comptais, seigneur, garder le silence jusqu’à ce que vous l’eussiez amené à protester avec serment qu’il ne resterait pas ; vous le suppliez trop froidement, seigneur. Dites-lui que vous êtes sûr que tout va bien en Bohême ; le jour d’hier nous a donné ces nouvelles satisfaisantes : dites-lui cela, et il sera forcé dans ses derniers retranchements.

LÉONTES.—Bien dit, Hermione.

HERMIONE.—S’il disait qu’il languit de revoir son fils, ce serait une bonne raison ; et s’il dit cela, laissez-le partir ; s’il jure qu’il en est ainsi, il ne doit pas rester plus longtemps, nous le chasserons d’ici avec nos quenouilles.—(A Polixène.) Cependant je me hasarderai à vous demander de nous prêter encore une semaine de votre royale présence. Quand vous recevrez mon époux en Bohême, je vous recommande de l’y retenir un mois au delà du terme marqué pour son départ : et pourtant en vérité, Léontes, je ne vous aime pas d’une minute de moins, que toute autre femme n’aime son époux.—Vous resterez ?

POLIXÈNE.—Non, madame.

HERMIONE.—Oh ! mais vous resterez.

POLIXÈNE.—Je ne le puis vraiment pas.

HERMIONE.—Vraiment ? Vous me refusez avec des serments faciles ; mais quand vous chercheriez à déplacer les astres de leur sphère par des serments, je vous dirais encore : Seigneur, on ne part point. Vraiment vous ne partirez point : le vraiment d’une dame a autant de pouvoir que le vraiment d’un gentilhomme. Voulez-vous