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mour a fait de toi un serpent apprivoisé, et dis-lui de ma part, que si elle m’aime, je lui ordonne de t’aimer ; que si elle ne veut pas t’aimer, je ne veux point d’elle, à moins que tu ne me supplies pour elle. Si tu es un véritable amant, va-t’en, et ne réplique pas un mot ; car voici de la compagnie qui vient.

(Sylvius sort.)

(Entre Olivier, frère aîné d’Orlando.)

OLIVIER.—Bonjour, belle jeunesse ; sauriez-vous, je vous prie, dans quel endroit de cette forêt est située une bergerie entourée d’oliviers ?

CÉLIE.—Au couchant du lieu où nous sommes, au fond de la vallée que vous voyez ; laissez à droite cette rangée de saules qui est auprès de ce ruisseau qui murmure, et vous arriverez droit à la cabane. Mais en ce moment la maison se garde elle-même ; vous n’y trouverez personne.

OLIVIER.—Si les yeux peuvent s’aider de la langue, je devrais vous reconnaître sur la description que l’on m’a faite : « Mêmes habillements et même âge. Le jeune homme est blond ; il a les traits d’une femme, et il se donne pour une sœur d’un âge mûr : mais la femme est petite et plus brune que son frère. » N’êtes-vous point le propriétaire de la maison que je demandais ?

CÉLIE.—Puisque vous nous le demandez, il n’y a pas de vanterie à dire qu’elle nous appartient.

OLIVIER.—Orlando m’a chargé de vous saluer tous deux de sa part, et il envoie ce mouchoir ensanglanté à ce jeune homme qu’il appelle sa Rosalinde : est-ce vous ?

ROSALINDE.—Oui, c’est moi ; que devons-nous conjecturer de ceci ?

OLIVIER.—Quelque chose à ma honte, si vous voulez que je vous dise qui je suis, et comment, et pourquoi, et où ce mouchoir a été ensanglanté.

ROSALINDE.—Dites-nous tout cela, je vous prie.

OLIVIER.—Quand le jeune Orlando vous a quitté dernièrement, il vous a promis de vous rejoindre dans une heure. Comme il allait à travers la forêt, se nourrissant de pensées tantôt douces, tantôt amères, qu’arrive-t-il