Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/223

Cette page n’a pas encore été corrigée

est bannie de ce royaume, dont toutes les richesses naturelles languissent en groupes informes et stériles, et se corrompent dans leur propre fécondité. Ses vignes, dont les esprits réjouissent le cœur, meurent non émondées. Ses vergers, comme des prisonniers dont la chevelure s’est allongée en désordre, poussent des rameaux entremêlés. Ses terres en friche se couvrent d’ivraie, de ciguë et de triste fumeterre ; et le soc, qui devait extirper ces plantes ennemies, se rouille dans le repos. Ses vastes prairies, jadis couronnées d’une agréable moisson de primevères veinées, de pimprenelle, et de trèfle verdoyant, privées aujourd’hui de la faux, sont dégénérées, et n’enfantent que des herbes paresseuses. Rien ne prospère, que l’odieuse bougrande, le chardon épineux, et le vil glouteron : elles ont perdu leur belle et utile parure. Tels que nos vignobles, nos champs, nos prés et nos vergers, qui, dépravés dans leurs qualités natives, ne produisent plus que de sauvages avortons ; nous aussi, nos familles et nos enfants, nous avons oublié ou cessé d’apprendre, faute de temps, les sciences, ornement de notre patrie. Nous devenons comme des sauvages, comme des soldats, qui ne méditent plus rien que le sang ; livrés aux imprécations grossières, aux regards féroces, au costume barbare de la guerre, et à toutes sortes d’habitudes étranges et indignes de l’homme. C’est pour rétablir les choses dans leur ancien état de splendeur, que vous êtes ici présents ; et ce discours est une prière que je vous adresse, pour savoir pourquoi la paix ne repousserait pas tous ces maux et ne nous rendrait pas le bonheur de ses anciennes faveurs. Le roi. — Duc de Bourgogne, si vous voulez la paix, dont l’absence laisse le champ libre à tous les vices que vous avez dénombrés, il faut que vous l’achetiez par un consentement sans réserve à toutes nos justes demandes. Vous en avez dans vos mains les articles et les clauses détaillés en peu de mots.

Le Duc de Bourgogne. — Le roi de France en a entendu la lecture, et il n’y a point encore donné sa réponse.