Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/220

Cette page n’a pas encore été corrigée

Gower. — Allons, en voilà assez, capitaine : vous l’avez étourdi du coup.

Fluellen. — Je dis que je lui ferai manger ce poireau, ou je lui frotterai la tête quatre jours de suite. — Allons, mordez, je vous en prie, cela fera du bien à votre maladie et à votre crête rouge de fat.

Pistol. — Quoi ! faut-il que je morde ?

Fluellen. — Oui, sans doute, sans question, et sans ambiguïtés.

Pistol. — Par ce poireau, je m’en vengerai horriblement. Je mange, mais aussi je jure….

fluellen, tenant la canne levée. — Mangez, je vous prie. Est-ce que vous voudriez encore un peu d’épices pour votre poireau ? Il n’y a pas encore là assez de poireau, pour jurer par lui.

Pistol. — Tiens ta canne en repos ; tu vois bien que je mange.

Fluellen. — Grand bien te fasse, lâche poltron ; c’est de bon cœur. — Oh ! mais je vous en prie, n’en jetez pas la moindre miette par terre ; la pelure est bonne pour raccommoder votre crête déchirée. Quand vous trouverez l’occasion de voir des poireaux, vous m’obligerez beaucoup de les goguenarder, entendez-vous ? Voilà tout.

Pistol. — Fort bien.

Fluellen. — Ah ! c’est une bien bonne chose que les poireaux ! Tenez, voilà quatre sous pour guérir votre tête.

Pistol. — A moi, quatre sous !

Fluellen. — Oui, certainement ; et en vérité vous les prendrez ; ou bien j’ai encore un poireau dans ma poche que vous mangerez.

Pistol. — Je prends tes quatre sous comme des arrhes de vengeance.

Fluellen. — Si je vous dois quelque chose, je vous payerai en coups de canne : vous serez marchand de bois, et vous n’achèterez de moi que des bâtons. Dieu vous accompagne, vous conserve et vous guérisse la tête !

(Il sort.)