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velir, et séparer les nobles des morts vulgaires. Car les vils paysans baignent leurs membres dans le sang des princes ; et nombre de princes, ô malédiction sur cette journée ! sont noyés dans un sang vil et mercenaire, tandis que leurs coursiers, blessés et enfoncés jusqu’au poitrail dans le sang, s’indignent, et dans leur fureur, foulent sous leurs pieds armés de fer leurs maîtres déjà morts, et les tuent deux fois. O permets-nous, grand roi, d’errer en sûreté dans la plaine, et de disposer de leurs cadavres !

Le roi. — Je te dirai franchement, héraut, que je ne sais pas si la victoire est à nous, ou non ; car je vois encore de nombreux escadrons de vos cavaliers galoper sur la plaine.

Montjoie. — La victoire est à vous.

Le roi. — Louanges en soient rendues à Dieu, et non pas à notre force ! — Comment appelle-t-on ce château, qui est tout près d’ici ?

Montjoie. — On l’appelle Azincourt.

Le roi. — Nous nommerons donc ce combat la bataille d’Azincourt, donnée le jour des saints Crépin et Crépinien.

Fluellen. — Plaise à Votre Majesté, votre grand-père, de fameuse mémoire, et votre grand-oncle, Edouard le Noir, prince de Galles, à ce que j’ai lu dans les chroniques, ont soutenu une bien brave bataille ici en France.

Le roi. — Il est vrai, Fluellen.

Fluellen. — Votre Majesté dit bien vrai. Si Votre Majesté s’en souvient, les Gallois ont été bien utiles dans un jardin où il y avait des poireaux, en portant des poireaux à leurs bonnets à la Monmouth ; ce que Votre Majesté sait bien être encore aujourd’hui une marque honorable de ce service-là ; et je crois bien aussi que Votre Majesté ne dédaigne pas, sans doute, de porter aussi le poireau à la Saint-David.

Le roi. — Je le porte, sans doute, en signe d’un honneur mémorable ; car je suis Gallois aussi moi-même, vous le savez, mon cher compatriote.

Fluellen. — Toute l’eau de la rivière Wye ne laverait pas le sang gallois qui coule dans les veines de Votre