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garde, et d’une tente à l’autre, crie en le voyant : Louange et gloire sur sa tête ! Il visite sans cesse toute son armée ; et adresse à tous le salut du malin, avec un modeste sourire, les appelant : mes frères, mes amis, mes compatriotes. Sur son noble visage, on ne voit rien qui fasse songer à l’armée formidable dont il est environné ; nulle impression de pâleur ne trahit ses veilles et la fatigue de la nuit. Son air est dispos ; une douce majesté, une sérénité gaie brillent dans ses yeux, où le soldat, pâle auparavant et abattu, puise l’espérance et la force. Ainsi que le soleil, son œil généreux verse dans tous les cœurs une douce influence qui dissout les glaces de la crainte. Donc, vous tous, petits et grands, contemplez ici un faible portrait de Henri, sous le voile de la nuit, tel que mes débiles pinceaux peuvent l’ébaucher. De là notre scène doit passer au champ de bataille. Mais, ô pitié ! Combien nous allons déshonorer le nom fameux d’Azincourt par le spectacle de quelques fleurets émoussés et gauchement engagés dans une ridicule pantomime de combat ! Cependant, asseyez-vous, et regardez, en vous figurant la vérité au moyen d’une imitation imparfaite.

(Le chœur sort.)


Scène I

Le camp anglais, près d’Azincourt. LE ROI, BEDFORD ET GLOCESTER.

Le roi. — Glocester, il faut l’avouer, nous sommes dans un grand péril : notre courage doit donc devenir plus grand encore. (Au duc de Bedford.) Bonjour, mon frère. — Dieu tout-puissant ! toujours quelque dose de bien repose dans le sein du mal lui-même, si les hommes se donnent la peine de l’y chercher. Ce dangereux voisin qui est si près de nous nous rend diligents et matinaux ; et c’est à la fois très-salutaire à la santé et d’une bonne économie. L’ennemi est aussi pour nous une