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nous a été faite, sa personne même, à nos pieds prosternée, ne serait qu’une faible et indigne satisfaction. A ce discours ajoute le défi ; et finis par lui déclarer qu’il a dévoué et perdu ceux qui le suivent, et que leur condamnation est prononcée. » — Ainsi parle le roi mon maître : là finit mon ministère.

Le roi. — Je connais ton rang. Quel est ton nom ?

Montjoie. — Montjoie.

Le roi. — Tu remplis bien ton office. Retourne sur tes pas, et dis à ton roi : — Qu’en ce moment je ne le cherche pas, et que je serais bien aise de marcher sans empêchement jusqu’à Calais. Car, pour avouer la vérité, quoique la prudence défende un pareil aveu devant un ennemi rusé, qui sait prendre avantage de tout, mes soldats sont considérablement affaiblis par la maladie[1] ; leur nombre est diminué, et le peu qui m’en reste ne vaut guère mieux qu’un pareil nombre de Français. — Tant que mes soldats étaient frais et pleins de santé, je te dis, héraut, que je croyais voir sur deux jambes anglaises marcher trois Français. — Que Dieu me pardonne si je me vante à ce point. C’est votre air de France qui souffle ce vice en moi ; et je dois pourtant me le reprocher. — Pars, et dis à ton maître que tu m’as trouvé ici : ma rançon est ce corps frêle et chétif, mon armée n’est plus qu’une garde faible et consumée par la maladie. Cependant, que Dieu soit mon guide, et nous marcherons en avant, quand le roi de France lui-même, ou tout autre voisin, s’opposerait à notre passage. (Il lui remet une bourse.) Voilà pour te payer ton message, Montjoie. Va : dis à ton maître de bien se consulter. Si nous pouvons passer, nous passerons ; si l’on veut nous en empêcher, nous rougirons de votre sang vos noirs sillons. Adieu, Montjoie. En deux mots, voici notre réponse : Dans l’état où nous sommes, nous n’irons pas chercher le combat : et dans l’état où nous sommes, nous déclarons que nous ne l’éviterons pas. Rends cette réponse à ton roi.

  1. L’armée anglaise était attaquée de la dysenterie.