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bourgeonné et tout couvert de boutons, et comme une flamme ardente, et dont les lèvres étoupent le nez, et sont comme un charbon de feu, tantôt bleues et tantôt rouges ; mais son nez est expédié à présent, et son feu est éteint ; ainsi n’en parlons plus.

Le roi. — Je voudrais nous voir défaits ainsi de tous les pillards de son espèce. — Et nous enjoignons expressément que, dans notre marche au travers des campagnes, on n’enlève rien des villages par violence, qu’on ne prenne rien sans le payer, qu’on n’insulte pas le dernier des Français d’aucune parole de mépris ou de reproche. Quand la douceur et la cruauté jouent à qui aura un royaume, c’est le joueur le plus doux qui gagne.

(On entend la trompette du héraut.) (Montjoie s’avance.)

Montjoie. — Vous me reconnaissez à mon habillement[1] ?

Le roi. — Oui, je te reconnais. Qu’as-tu à m’apprendre ?

Montjoie. — Les intentions de mon maître.

Le roi. — Déclare-les.

Montjoie. — Voici ce que dit mon roi. — « Annonce à Henri d’Angleterre que, quoique nous ayons paru morts, nous n’étions qu’endormis. La prudence est un meilleur soldat que la témérité. Dis-lui que nous aurions pu le repousser à Harfleur, mais que nous n’avons pas jugé à propos de venger l’injure qu’elle ne fût à son comble. — Maintenant c’est à notre tour à parler, et notre voix est la voix d’un souverain. L’Anglais se repentira de sa folie ; il sentira sa faiblesse et admirera notre patience. Dis-lui de songer à sa rançon : elle doit être proportionnée aux pertes que nous avons essuyées, au nombre de sujets que nous avons perdus, à l’insulte que nous avons dévorée ; et si la réparation égalait la grandeur des offenses, sa faiblesse succomberait sous le poids. Pour payer nos pertes, son trésor est trop pauvre : pour payer l’effusion de notre sang, les troupes de son royaume entier sont un nombre insuffisant. Et quant à l’insulte qui

  1. Le costume du roi d’armes, appelé Montjoie, est décrit dans nos anciens chroniqueurs.