Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/154

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’hôtesse. — Il est bien vrai qu’il déclamait de temps en temps contre les femmes ; mais c’est qu’il était goutteux dans ce temps-là, et puis c’était de la prostituée de Babylone qu’il parlait.

le page. — Ne vous souvenez-vous pas d’un jour qu’il aperçut une mouche sur le nez de Bardolph, et qu’il dit que c’était une âme damnée qui brûlait dans l’enfer ?

Bardolph. — Eh bien, eh bien ! l’aliment qui entretenait ce feu-là est au diable. Ce nez rubicond est toute la fortune que j’aie amassée à son service.

Nym. — Décamperons-nous, enfin ? Le roi sera parti de Southampton.

Pistol. — Allons, partons. Tends-moi tes lèvres, mon amour ; aie bien soin de mes effets et de mes meubles ; prends le bon sens pour guide. Choisissez et payez comptant, voilà tout ce que tu as à dire. Ne fais crédit à personne ; car les serments ne sont que paille légère, et la foi des hommes ne vaut pas une feuille d’oublie ; tiens bien est le meilleur chien de basse-cour, ma poulette ; c’est pourquoi, prends caveto<refCaveto, prends garde, de la prudence.></ref> pour ton conseiller. Va à présent essuyer tes yeux[1]. Allons, camarades, aux armes, partons pour la France ; et comme des sangsues, mes amis, suçons, suçons jusqu’au sang.

le page. — Ma foi, c’est une mauvaise nourriture, à ce qu’on dit.

pistol, au page. — Prends un baiser sur ses douces lèvres, et marche : allons.

Bardolph. — Adieu, notre hôtesse.

Nym. — Je ne saurais t’embrasser, moi ; voilà le plaisant de la chose ; mais ça n’y fait rien. — Adieu toujours.

Pistol. — Fais voir que tu es une bonne ménagère ; sois sédentaire, je te l’ordonne.

l’hôtesse. — Bon voyage : adieu.

(Ils sortent.)

  1. Quelques commentateurs disent : « Va essuyer les verres de ton hôtellerie. »