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Kent. – Une honte insurmontable l’y pousse : la dureté avec laquelle il lui a retiré sa bénédiction l’a abandonnée à la merci du sort dans une contrée étrangère, et a transporté ses droits les plus précieux à ses filles au cœur de chien ; toutes ces pensées déchirent son âme de traits si empoisonnés, qu’une brûlante confusion le tient éloigné de Cordélia.

Le gentilhomme. – Hélas ! pauvre gentilhomme !

Kent. – Savez-vous quelques nouvelles de l’armée des ducs d’Albanie et de Cornouailles ?

Le gentilhomme. – Oui, elle est en marche.

Kent. – Allons, monsieur, je vais vous conduire à notre maître Lear, et vous laisser avec lui pour l’accompagner. Un important motif me retient encore pour quelque temps sous le déguisement qui me cache. Quand je me ferai connaître, vous ne vous repentirez pas des renseignements que vous m’avez donnés. Je vous prie, venez avec moi.

Ils sortent.



Scène IV

Toujours dans le camp. Une tente. Entrent Cordélia, un médecin, des soldats.

Cordélia. – Hélas ! c’est lui-même : on vient de le rencontrer furieux comme la mer agitée, chantant de toute sa force, couronné de fumeterre rampante et d’herbes des champs, de bardane, de ciguë, d’ortie, de coquelicot, d’ivraie, et de toutes les herbes inutiles croissant dans le blé qui nous sert d’aliment. Envoyez une compagnie ; qu’on parcoure chaque acre dans ces champs couverts d’épis, et qu’on l’amène devant nos yeux. Un officier sort. — Que peut la sagesse humaine pour rétablir en lui la raison dont il est privé ? Que celui qui pourra le secourir prenne tout ce que je possède.

Le médecin. – Madame, il y a des moyens. Le sommeil