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encore sous le voile d’une dissimulation réciproque : ils ont (et qui n’en a pas parmi ceux que la supériorité de leur étoile a placés sur le trône et dans la grandeur ?), ils ont des serviteurs non moins dissimulés qui servent à la France d’espions et de miroirs intelligents de notre situation, ce qu’on a vu des aversions ou des manœuvres secrètes des deux ducs, ou la dureté avec laquelle ils se sont gouvernés à l’égard du bon vieux roi, ou quelque chose de plus profond dont tout ceci n’est que l’apparence extérieure. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’une armée envoyée par la France va entrer dans ce royaume divisé. Déjà les ennemis, profitant sagement de notre négligence, se sont assuré un accès secret dans quelques-uns de nos meilleurs ports, et sont sur le point de déployer ouvertement leurs bannières – Voici maintenant ce que j’ai à vous dire : Si j’ai pu vous inspirer assez de confiance pour vous y rendre promptement ; vous trouverez une personne qui recevra avec reconnaissance le récit fidèle des outrages désespérants et dénaturés dont le roi a sujet de se plaindre. Je suis un gentilhomme bien né et bien élevé ; et c’est parce que je vous connais et me fie à vous que je vous propose cette mission.

Le gentilhomme. – Nous en reparlerons.

Kent. – Non, c’est assez de paroles. Afin de vous prouver que je suis beaucoup plus que je ne parais, ouvrez cette bourse et prenez ce qu’elle contient. Si vous voyez Cordélia, et soyez certain que vous la verrez, montrez-lui cet anneau ; vous saurez d’elle quel est celui que vous avez eu pour compagnon, et que vous ne connaissez pas encore – Infâme tempête ! je vais chercher le roi.

Le gentilhomme. – Donnez-moi votre main. N’avez-vous plus rien à me dire ?

Kent. – Peu de mots, mais au fait plus importants que tout le reste : veuillez bien prendre ce chemin, je vais suivre celui-ci. Le premier de nous deux qui trouvera le roi en avertira l’autre par un cri.

Ils sortent.