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ce navire battu par l’orage, abrège l’angoisse de la reine ! Eh bien ! Lychorida ?

(Lychorida entre avec un enfant.)

Lychorida : Voici un être trop jeune pour un tel lieu, et qui, s’il était doué déjà de la pensée, mourrait comme je me sens près de le faire. Recevez dans vos bras ce reste de votre épouse inanimée.

Périclès : Que dis-tu, Lychorida ?

Lychorida : Patience ; seigneur, n’assistez pas l’orage : voici tout ce qui vit encore de notre reine… une petite fille ; —pour l’amour d’elle, soyez un homme et prenez courage.

Périclès : Ô vous, dieux ! nous faites-vous aimer vos célestes dons pour nous les enlever ? Nous du moins, ici-bas, nous ne redemandons pas ce que nous donnons, et en cela nous l’emportons sur vous.

Lychorida : Patience, bon prince, même dans ce malheur.

Périclès : Maintenant que ta vie soit calme ! car jamais enfant n’eut une naissance plus troublée ! Que ta destinée soit paisible et douce, car jamais fille de prince ne fut accueillie dans ce monde avec plus de sévérité. Puisse la suite être heureuse pour toi ! tu as une naissance aussi bruyante que le feu, l’air, l’eau, la terre et le ciel pouvaient te la procurer pour annoncer ta sortie du sein qui te conçut ; et déjà même tu as plus perdu que tu ne gagneras dans la vie. Que les dieux bienveillants jettent sur elle un favorable regard.

(Deux matelots entrent.)

Premier Matelot : Eh bien ! avez-vous bon courage ? Dieu vous conserve !

Périclès : J’ai assez de courage. Je ne crains pas la tempête, elle m’a fait le plus grand mal qu’elle pût me faire ; cependant, pour l’amour de ce pauvre enfant, je souhaite que le ciel s’éclaircisse.

Premier Matelot : Relâche les cordages ; allons donc… Souffle et fais tous tes efforts.

Second Matelot : Mais les vagues sombres vont caresser la lune : je ne puis.