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ce vaste jeu de paume, ont pris pour balle, vous supplie d’avoir pitié de lui ; il vous supplie, lui qui n’est pas habitué à demander.

Premier Pêcheur : Quoi donc, l’ami, ne peux-tu mendier ? Il y a des gens dans notre Grèce qui gagnent plus en mendiant que nous en travaillant.

Second Pêcheur : Sais-tu prendre des poissons ?

Périclès : Je n’ai jamais fait ce métier.

Second Pêcheur : Alors tu mourras de faim ; car il n’y a rien à gagner aujourd’hui, à moins que tu ne le pêches.

Périclès : J’ai appris à oublier ce que je fus ; mais le besoin me force de penser à ce que je suis, un homme transi de froid ; mes veines sont glacées et n’ont guère de vie que ce qui peut suffire à donner assez de chaleur à ma langue pour implorer vos secours. Si vous me les refusez, comme je suis homme, veuillez me faire ensevelir quand je serai mort.

Premier Pêcheur : Mourir, dis-tu ? que les dieux t’en préservent. J’ai un manteau ici, viens t’en revêtir ; réchauffe-toi : approche. Tu es un beau garçon ; viens avec nous, tu auras de la viande les dimanches, du poisson les jours de jeûne, sans compter les poudings et des gâteaux de pomme, et tu seras le bienvenu.

Périclès : Je vous remercie.

Second Pêcheur : Écoute, l’ami, tu disais que tu ne pouvais mendier ?

Périclès : Je n’ai fait que supplier.

Second Pêcheur : Je me ferai suppliant aussi, et j’esquiverai le fouet.

Périclès : Quoi ! tous les mendiants sont-ils fouettés ?

Second Pêcheur : Non pas tous, l’ami ; car si tous les mendiants étaient fouettés, je ne voudrais pas de meilleure place que celle de bedeau ; mais notre maître, je vais tirer le filet.

(Les deux pêcheurs sortent.)

Périclès : Comme cette honnête gaieté convient à leurs travaux !

Premier Pêcheur : Holà, monsieur, savez-vous où vous êtes ?