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déploiera un si terrible appareil de guerre que mes États perdront tout courage ; mes soldats seront vaincus avant de combattre, et mes sujets punis d’une offense qu’ils n’ont pas commise. C’est mon inquiétude pour eux et non une crainte égoïste (je ne suis que comme la cime des arbres qui protège les racines qui l’avoisinent), qui fait languir mon corps et mon âme. Je suis puni même avant qu’Antiochus m’ait attaqué.

Premier Seigneur : Que la joie et le bonheur consolent votre auguste cœur.

Second Seigneur : Conservez la paix dans votre cœur jusqu’à votre retour.

Hélicanus : Silence, silence, seigneurs, et laissez parler l’expérience. Ils abusent le roi, ceux qui le flattent. La flatterie est le soufflet qui enfle le crime. Celui qu’on flatte n’est qu’une étincelle à laquelle le souffle de la flatterie donne la chaleur et la flamme, tandis que les remontrances respectueuses conviennent aux rois ; car ils sont hommes, et peuvent se tromper. Quand le seigneur Câlin vous annonce la paix il vous flatte, et déclare la guerre à votre roi. Prince, pardonnez-moi, ou flattez-moi si vous voulez, mais je ne puis me mettre beaucoup plus bas que mes genoux.

Périclès : Laissez-nous tous ; mais allez visiter le port pour examiner nos vaisseaux et nos munitions, et puis revenez. (Les seigneurs sortent.) Hélicanus, toi, tu m’as ému. Que vois-tu sur mon front ?

Hélicanus : Un air chagrin, seigneur redoutable.

Périclès : Si le front courroucé des princes est si redouté, comment as-tu osé allumer la colère sur le mien ?

Hélicanus : Comment les plantes osent-elles regarder le ciel qui les nourrit ?

Périclès : Tu sais que je suis maître de ta vie.

Hélicanus, fléchissant le genou. J’ai moi-même aiguisé la hache, vous n’avez plus qu’à frapper.

Périclès : Lève-toi ; je t’en prie, lève-toi ; assieds-toi. Tu n’es pas un flatteur, je t’en remercie ; et que le ciel préserve les rois de fermer l’oreille à ceux qui leur révèlent leurs fautes. Digne conseiller et serviteur d’un