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Antiochus : Si tu veux vivre, vole après lui, et, comme un trait lancé par un archer habile, atteins le but que ton œil a visé. Ne reviens que pour nous dire : Le prince Périclès est mort.

Thaliard : Seigneur, si je puis le voir seulement à la portée de mon pistolet, je le tiens pour mort. Adieu donc.

(Il sort.)

Antiochus : Thaliard, adieu ; jusqu’à ce que Périclès soit mort, mon cœur ne pourra secourir ma tête.

(Il sort.)


Scène II

Tyr. Un appartement du palais.

Périclès, Hélicanus et autres seigneurs.

Périclès : Que personne ne nous interrompe. Pourquoi ce poids accablant de pensées ? Triste compagne, la sombre mélancolie est chez moi une chose si habituelle qu’il n’est aucune heure du glorieux jour ou de la nuit paisible (tombe où devrait dormir tout chagrin) qui puisse m’apporter le repos. Ici les plaisirs courtisent mes yeux, et mes yeux les évitent, et le danger que je craignais est près d’Antiochus dont le bras semble trop court pour m’atteindre ici. Ni le plaisir ne peut ici charmer mon âme, ni l’éloignement du péril ne peut me consoler. Telles sont ces passions qui, nées d’une fatale terreur, sont entretenues par l’inquiétude. Ce qui n’était jadis qu’une crainte de ce qui pouvait arriver s’est changé en précaution contre ce qui peut arriver encore. Voilà ma position. Le grand Antiochus (contre lequel je ne puis lutter, puisque vouloir et agir sont pour lui même chose) croira que je parlerai lors même que je lui jurerai de garder le silence. Il ne me servira guère de lui dire que je l’honore, s’il soupçonne que je puis le déshonorer ; il fera tout pour étouffer la voix qui pourrait le faire rougir ; il couvrira la contrée de troupes ennemies et