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crime ! Tout ce que je vois n’est que l’acte d’un hypocrite qui n’a de bon que ce qu’il laisse voir au dehors. S’il était vrai que j’eusse mal interprété l’énigme, tu ne serais pas assez coupable pour te livrer à l’inceste : tandis que tu es à la fois un père et un fils par ton coupable commerce avec ton enfant qui devait faire la joie d’un époux et non d’un père, ta fille ne serait pas condamnée à dévorer la chair de sa mère, en souillant la couche maternelle. Ils sont comme deux serpents qui, en se nourrissant des plus douces fleurs, n’en retirent que venin. Antiochus, adieu ! La sagesse me dit que ceux qui ne rougissent pas d’actions plus noires que la nuit ne négligeront rien pour les dérober à la lumière ! Un crime, je le sais, en provoque un autre. Le meurtre suit de près la luxure, comme la flamme la fumée. Le crime tient dans sa main la trahison, le poison et un bouclier pour écarter la honte. De peur que ma vie ne soit sacrifiée à votre honneur, je veux éviter le danger par la fuite.

(Il sort.)

(Antiochus rentre.)

Antiochus : Il a trouvé le mot de l’énigme, il trouvera la mort. Il ne faut pas le laisser vivre pour proclamer mon infamie et pour dire au monde le crime révoltant qu’a commis Antiochus. Que ce prince meure donc, et que sa mort sauve mon honneur. Holà ! quelqu’un !

(Thaliard entre.)

Thaliard : Votre Majesté m’appelle-t-elle ?

Antiochus : Thaliard, tu es de ma maison et le confident des secrets de mon cœur : ta fidélité fera ton avancement. Thaliard, voici du poison et voici de l’or ; nous haïssons le prince de Tyr, et tu dois le tuer. Il ne t’appartient pas de demander le motif de cet ordre. Dis-moi, cela suffit-il ?

Thaliard : Sire, cela suffit.

(Entre un messager.)

Antiochus : Un instant ! reprends haleine, et dis-nous pourquoi tu te hâtes tant.

Le Messager : Sire, le prince Périclès a pris la fuite.

(Il sort.)