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Edmond. – Je vous assure que les effets dont elle parle ne s’accomplissent que trop malheureusement – Des querelles dénaturées entre les enfants et les parents, des morts, des famines, des ruptures d’anciennes amitiés, des divisions dans l’État, des menaces et des malédictions contre le roi et les nobles, des méfiances sans fondement, des amis exilés, des cohortes dispersées, des mariages rompus, et je ne sais quoi encore.

Edgar. – Depuis quand êtes-vous devenu sectateur de l’astronomie ?

Edmond. – Allons, allons ; quand avez-vous vu mon père pour la dernière fois ?

Edgar. – Eh bien ! hier au soir.

Edmond. – Avez-vous causé avec lui ?

Edgar. – Oui, deux heures entières.

Edmond. – Vous êtes-vous quittés en bonne intelligence ? N’avez-vous remarqué dans ses paroles ou dans son air aucun signe de mécontentement ?

Edgar. – Aucun.

Edmond. – Réfléchissez, en quoi vous avez pu l’offenser, et, je vous en conjure, évitez sa présence jusqu’à ce qu’un peu de temps ait modéré la violence de son ressentiment, si furieux en ce moment, qu’en vous faisant du mal il serait à peine apaisé.

Edgar. – Quelque misérable m’aura calomnié.

Edmond. – C’est ce que je crains. Je vous en prie, tenez-vous à l’écart jusqu’à ce que la fougue de sa colère soit un peu ralentie ; et, comme je vous le dis, retirez-vous avec moi dans mon appartement : là, je vous mettrai à portée d’entendre les discours de mon père. Allez, je vous en prie, voilà ma clef ; et si vous sortez, sortez armé.

Edgar. – Armé, mon frère !

Edmond. – Mon frère, ce que je vous dis est pour le mieux : allez armé. Que je ne sois pas un honnête homme si l’on a de bonnes intentions à votre égard. Je vous dis ce que j’ai vu et entendu, mais bien faiblement, et rien qui approche de la réalité et de l’horreur de la chose. De grâce, éloignez-vous.