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Lear. – Non, ils ne peuvent me rien faire pour avoir battu monnaie : je suis le roi en personne. Edgar. – O spectacle qui me perce le cœur !

Lear. – En cela la nature est supérieure à l’art – Venez, voilà l’argent de votre engagement. Ce drôle tient son arc comme un épouvantail à corbeaux – Lancez-moi là une flèche d’une aune…. Regardez, regardez, une souris ! paix, paix ; ce morceau de fromage grillé fera l’affaire…. Voilà mon gantelet ; j’en veux faire l’essai sur un géant – Apportez les haches d’armes…. Il vole bien l’oiseau. Dans le but ! dans le but ! — Holà ! le mot d’ordre.

Edgar. – Marjolaine.

Lear. – Passe.

Glocester. – Je connais cette voix.

Lear. – Ah ! Gonerille ! — Avec une barbe blanche ! — Ils me flattaient comme un chien ; ils me disaient que j’avais des poils blancs dans ma barbe, avant seulement que les noirs eussent poussé…. Répondre ainsi oui et non à tout ce que je disais ! — Oui, et non aussi, cela n’était pas d’une bonne théologie…. Quand un jour la pluie est venue me tremper, et le vent faire claquer mes dents ; quand le tonnerre n’a pas voulu se taire à mon ordre, c’est alors que je les ai connus, que j’ai senti ce qu’ils étaient. Allez, allez, ce ne sont pas des hommes de parole. Ils me disaient que j’étais tout ce que je voulais être : c’est un mensonge…. je ne suis pas à l’épreuve de la fièvre.

Glocester. – L’accent de cette voix m’est bien connu. N’est-ce pas le roi ?

Lear. – Oui, des pieds à la tête un roi – Quand je prends un air sévère, vois comme mes sujets tremblent – Je fais grâce à cet homme de la vie – Quel était son crime ? l’adultère ? Tu ne mourras point. Mourir pour un adultère ? Non, non ; le roitelet et la petite mouche dorée vont libertinant sous mes yeux. Encouragez les accouplements. Le fils bâtard de Glocester a été plus tendre pour son père que ne l’ont été pour moi mes filles, engendrées entre les draps d’un lit légitime. A la