Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/441

Cette page n’a pas encore été corrigée

e-souris ; alors exprime sur l’œil de Lysandre cette herbe dont la liqueur a la salutaire vertu d’en enlever toute illusion, et de rendre aux prunelles leur vue accoutumée : lorsqu’ils viendront à se réveiller, toute cette scène de dérision leur paraîtra un rêve, une vision imaginaire, et ces amants reprendront le chemin d’Athènes, unis par une amitié qui ne finira qu’avec leur vie. Tandis que je te charge de cette affaire, moi, je vais rejoindre ma reine, et lui demander son petit Indien ; après cela, je désenchanterai ses yeux de leur admiration pour le monstre, et la paix sera rétablie partout.

PUCK. — Souverain des fées, il faut nous hâter d’exécuter cette tâche ; car les dragons de la nuit fendent à plein vol les nuages, et l’avant-coureur de l’aurore brille déjà là-bas ! À son approche, vous le savez, les spectres qui erraient çà et là s’enfuient par troupes vers les cimetières ; toutes ces ombres damnées qui ont leur sépulture dans les carrefours et les flots[1] sont déjà retournées à leur couche peuplée de vers ; de peur que le jour ne contemple leur honte, elles s’exilent volontairement de la lumière, et se résignent à être à jamais les compagnes de la nuit au front noir.

OBERON. — Mais nous, nous sommes des esprits d’une autre nature. Moi, j’ai souvent joué avec la lumière du matin ; et je puis, comme un garde des forêts, fouler le tapis des bois, même jusqu’à l’instant où la porte de l’orient, toute rouge de feux, venant à s’ouvrir, verse sur Neptune de célestes rayons, et change en or ses ondes vertes et salées. Mais cependant hâte-toi ; ne perds pas un instant : nous pouvons encore achever cette affaire avant le jour. (Oberon sort.)

PUCK.

Par monts et par vaux, par monts et par vaux,
Je vais les mener par monts et par vaux ;

  1. « Les fantômes suicidés enterrés dans les carrefours, et ceux des noyés, étaient condamnés à errer l’espace de cent ans, parce que les rites de la sépulture n’avaient pas été accomplis. » STEEVENS.