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HERMIA. — Mon cher Lysandre, je te jure, par l’arc le plus fort de l’Amour, par la plus sûre de ses flèches dorées, par la douce candeur des colombes de Vénus, par les nœuds secrets qui enchaînent les âmes et font prospérer les amours ; par les feux dont brûla la reine de Carthage, lorqu’elle vit le perfide Troyen mettre à la voile[1] ; par tous les serments que les hommes ont violé, plus nombreux que n’ont jamais été ceux des femmes, au lieu même que tu viens de m’assigner, demain, sans faute, j’irai te rejoindre.

LYSANDRE. — Tiens ta promesse, ma bien-aimée.—Regarde, voici Hélène qui vient.

(Hélène entre.)

HERMIA. — Dieu vous accompagne, belle Hélène ! Où allez-vous ainsi ?

HÉLÈNE. — Vous m’appelez belle ? Ah ! rétractez ce mot de belle. Démétrius aime votre beauté ; ô heureuse beauté ! vos yeux sont des étoiles polaires ; et la douce mélodie de votre voix est plus harmonieuse que le chant de l’alouette à l’oreille du berger, lorsque les blés sont verts, et que l’aubépine commence à montrer les boutons de ses fleurs. La maladie est contagieuse. Oh ! que n’en est-il ainsi des charmes ! je m’emparerais des vôtres, belle Hermia, avant de vous quitter. Mon oreille saisirait votre voix ; mes yeux vos regards, et ma langue ravirait le doux accent de la vôtre. Si l’univers était à moi, je le donnerais tout entier, excepté Démétrius, pour changer de formes avec vous. Oh ! enseignez-moi la magie de vos yeux, et par quel art vous gouvernez les mouvements du cœur de Démétrius.

  1. Shakspeare oublie que Thésée a fait ses exploits avant la guerre de Troie, et par conséquent longtemps avant la mort de Didon. STEEVENS.

    Mais le duc Thésée de Shakspeare est-il bien le Thésée de la mythologie ? Je crois que Shakspeare ne s’est pas trop inquiété du temps où avait pu vivre celui-ci. Le sien est un duc d’Athènes qui aurait aussi bien figuré comme duc de Bourgogne ; pourtant il y a dans cette pièce tant d’autres allusions mythologiques qu’il faut bien croire à l’anachronisme.