Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 3.djvu/164

Cette page n’a pas encore été corrigée

? Est-il possible que
mes services envers vous ne soient pas capables de vous persuader ?
N’insultez pas à mon infortune, de crainte que le ressentiment ne me
pousse à l’inconséquence de vous reprocher les services que je vous ai
rendus.

VIOLA.--Je n’en connais aucun ; et je ne vous reconnais ni au son de
voix, ni à vos traits ; je hais plus dans un homme l’ingratitude que le
mensonge, la vanité, le bavardage, l’ivrognerie, ou tout autre trace de
vice, dont le germe impur corrompt notre sang.

ANTONIO.--O ciel !

SECOND OFFICIER.--Allons, monsieur, je vous prie, suivez-nous.

ANTONIO.--Laissez-moi dire encore un mot. Ce jeune homme, que vous voyez
là, je l’ai arraché à la mort qui l’avait déjà à moitié englouti ; je
l’ai secouru avec l’affection la plus sainte,… et je m’étais dévoué à
lui, séduit par son visage, qui promettait, à ce que je m’imaginais, le
plus respectable mérite.

SECOND OFFICIER.--Qu’est-ce que cela nous fait ? Le temps se
passe.--Allons.

ANTONIO.--Mais quelle vile idole se trouve être ce dieu ! --Sébastien,
tu fais tort à ton beau visage.--Il n’est dans la nature de véritables
difformités que celles de l’âme ; nul ne peut être taxé de laideur que
l’ingrat. La vraie beauté, c’est la vertu ; mais le mal caché dans
une belle apparence n’est qu’un coffre vide que le démon a décoré à
l’extérieur.

PREMIER OFFICIER.--Cet homme devient fou ; emmenez-le sans
délai.--Allons, allons, monsieur.

ANTONIO.--Conduisez-moi.

(Les officiers emmènent Antonio.)

VIOLA.--Il me semble que ses paroles partent d’une passion si vive qu’il
croit ce qu’il dit, je n’en fais pas autant. Oh ! réalise-toi, illusion ;
réalise-toi ! que je sois en effet prise ici pour mon cher frère !

SIR TOBIE.--Approche, chevalier ; approche, Fabian ; nous nous dirons tout
bas un ou deux couplets de sages se