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ACTE III. SCÈNE I.

VIOLA.-- Oui, si on les tenait ensemble et qu’on les mît en œuvre.

LE BOUFFON.-- Je jouerais alors le rôle du seigneur Pandare de Phrygie, monsieur, en amenant une Cressida à ce Troïlus.

VIOLA.-- Je te comprends, l’ami ; c’est mendier adroitement.

LE BOUFFON.-- Ce n’est pas une grande affaire, monsieur ; j’espère, puisque je ne demande qu’une mendiante : Cressida était une mendiante. Ma maîtresse est chez elle, monsieur, je veux lui déduire d’où vous venez : quant à ce que vous désirez, cela est hors de mon firmament ; j’aurais pu dire élément ; mais ce mot est suranné.

(Il sort.)

VIOLA.-- Cet original est assez sensé pour jouer le fou ; et pour bien faire le fou, cela demande une sorte d’esprit. Il faut qu’il observe l’humeur de ceux qu’il plaisante, la qualité des personnes et les circonstances ; et qu’il n’aille pas, comme le faucon non dressé, fondre sur toutes les plumes qui passent devant ses yeux. C’est là un travail, aussi difficile que l’art de l’homme sensé ; car la folie qu’on montre à propos est de saison : mais la folie des sages qui extravaguent ternit leur sagesse.

(Entrent sir Tobie et sir André.)

SIR ANDRÉ.-- Salut à vous, mon gentilhomme.

VIOLA.-- Et à vous, monsieur.

SIR TOBIE.-- Dieu vous garde, monsieur[52].

[Note 52 : Les mots sont en français dans l’original.]

VIOLA.-- Et vous aussi ; votre serviteur.

SIR ANDRÉ.-- J’espère, monsieur, que vous l’êtes comme je suis le vôtre.

SIR TOBIE.-- Voulez-vous approcher de la maison ? Ma nièce est fort désireuse de vous y voir entrer, si c’est à elle que vous avez affaire.

VIOLA.-- Je me rends chez votre nièce, monsieur ; je veux dire qu’elle est le but de mon voyage.

SIR TOBIE.-- Tâtez vos jambes, monsieur ; mettez-les en mouvement.