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la suite : cela
demande preuve. Ce serait un A qui devrait suivre, et c’est un O.

FABIAN.--Et O[48] suivra, j’espère.

[Note 48 : Allusion à la forme d’un collier de chasse.]

SIR TOBIE.--Ou je le bâtonnerai et lui ferai crier O.

MALVOLIO.--C’est l’I qui vient par derrière.

FABIAN.--Oui, si vous aviez un œil[49] par derrière, vous pourriez voir
plus de châtiments à vos talons que de bonnes fortunes devant vous.

[Note 49 : Jeu de mots sur I et eye, œil, qui se prononcent de la
même manière.]

MALVOLIO.--M.O.A.I, cela ne s’ajuste pas si bien qu’auparavant ; et
pourtant en forçant un peu, l’apparence pourrait pencher vers moi : car
chacune de ces lettres se trouve dans mon nom. Doucement : voyons ; voici
de la prose qui suit : « Si cette lettre tombe dans tes mains, médite-la.
Mon étoile m’a placée au-dessus de toi ; mais ne t’effraye point de
la grandeur. Quelques-uns naissent grands ; d’autres parviennent à la
grandeur, et il en est que la grandeur vient chercher elle-même. Ta
destinée t’ouvre les bras, que ton audace et ton courage l’embrassent.
Et pour l’accoutumer à ce que tu dois vraisemblablement devenir, sors de
ton humble obscurité, et parais fier et brillant. Sois contredisant
avec un parent, hautain avec les serviteurs : que ta bouche raisonne
politique, prends les manières d’un homme original. Voilà les conseils
que donne celle qui soupire pour toi. Souviens-toi de celle qui fit
l’éloge de tes bas jaunes et qui souhaita de te voir toujours les
jarretières croisées. Souviens-t’en, je te le répète. Va, poursuis : ta
fortune est faite, si tu le veux ; si tu ne le veux pas, reste donc
un simple intendant, le compagnon des valets, et un homme indigne de
toucher la main de la fortune. Adieu : celle qui voudrait changer d’état
avec toi.--L’HEUREUSE INFORTUNÉE. » La lumière du jour et la plaine
ouverte n’en montrent pas davantage : cela est évident. Je veux devenir
fier ; lire les auteurs politiques ; je contrecarrerai sir Tobie ; je me
décrasserai de mes grossières connaissances ; je serai tiré à quatre
épingles ; je deviendrai l’homme