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qui rit de vous : vous lui direz que M. Nigaudin a épousé ma fille.

Mme PAGE, à part. Il est des gens qui en doutent. S’il est vrai qu’Anna Page soit ma fille, il l’est aussi qu’elle est maintenant la femme du docteur Caïus.

Arrive NIGAUDIN.

NIGAUDIN. Oh ! oh ! oh ! beau-père Page.

PAGE. Eh bien ! mon gendre ? qu’y a-t-il ? avez-vous terminé ?

NIGAUDIN. Terminé ? Je veux être pendu, là, si le plus habile du comté de Glocester y reconnaîtrait rien.

PAGE. Expliquez-vous, mon gendre.

NIGAUDIN. Quand je suis arrivé à Eton pour épouser miss Anna, je n’ai plus trouvé, au lieu d’elle, qu’un grand lourdaud de garçon : si nous n’avions pas été dans l’église, je l’aurais battu ou il m’aurait battu. Je veux ne plus jamais bouger de la place si je ne croyais pas que c’était miss Anna : et pas du tout, c’est tout bonnement un postillon.

PAGE. Il faut alors que vous ayez pris l’un pour l’autre.

NIGAUDIN. Vous n’avez pas besoin de me le dire. Il le faut bien puisque j’ai pris un garçon pour une fille : si on m’avait marié avec lui, quoiqu’il fût habillé en femme, je n’en aurais pas voulu.

PAGE. Tout cela est le fait de votre sottise. Ne vous avais-je pas dit que vous reconnaîtriez ma fille à son vêtement ?

NIGAUDIN. Je me suis adressé à celle qui était en blanc ; je lui ai crié mum, elle m’a répondu budget, comme Anna et moi nous en étions convenus ; et pourtant ce n’était pas Anna, mais un postillon.

EVANS. Jésus ! monsieur Nigaudin, êtes-vous aveugle, que vous épousez un garçon ?

PAGE. Oh ! je suis cruellement contrarié : que faire ?

Mme PAGE. Mon bon George, ne vous fâchez pas ; je connaissais votre projet ; j’ai fait habiller ma fille en vert ; elle est maintenant avec le docteur au presbytère, où on les marie.

Arrive CAIUS.

CAIUS. Où est madame Page ? Morbleu ! je suis dupé : j’ai épousé un garçon, un paysan ; ce n’est pas Anna, morbleu ! on m’a trompé.