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Mme PAGE. Et moi chez vous. Vous avez mauvaise mine.

Mme FORD. Je ne saurais le croire. Je puis administrer la preuve du contraire.

Mme PAGE. Je vous assure que vous avez mauvaise mine, à mon avis du moins.

Mme FORD. Soit. Néanmoins je vous répète que je puis exhiber la preuve du contraire. Ô madame Page ! j’ai un conseil à vous demander.

Mme PAGE. De quoi s’agit-il ?

Mme FORD. Si je n’étais arrêtée pour une bagatelle, quel honneur je pourrais obtenir !

Mme PAGE. Laissez de côté la bagatelle, ma chère, et prenez l’honneur. De quoi s’agit-il ? Moquez-vous des bagatelles. De quoi est-il question ?

Mme FORD. Si je voulais seulement consentir à passer une petite éternité, je pourrais acquérir l’honneur de la chevalerie.

Mme PAGE. Que dites-vous là ? pas possible ! Sir Alice Ford ! Croyez-moi, les chevaliers seront bientôt au rabais. Je vous conseille de ne faire subir aucune altération à votre qualité.

Mme FORD. Nous perdons le temps en paroles inutiles. (Elle lui présente une lettre ouverte.) Lisez ceci, lisez ; vous verrez sur quoi se fondent mes prétentions à la chevalerie. Tant que je saurai distinguer un homme d’un autre, ceci me fera détester les hommes corpulents ; et cependant celui-ci ne jurait pas ; il louait la modestie des femmes ; l’inconduite trouvait en lui un censeur si rigide et si fidèle aux bienséances, que j’aurais juré que ses sentiments étaient conformes à son langage ; mais ils ne s’accordent pas plus entre eux que le centième psaume avec l’air des Manches vertes. Quelle tempête a fait échouer aux rives de Windsor cette baleine dont le ventre contient tant de barils d’huile ? Comment me venger de lui ? Le meilleur moyen serait, ce me semble, de le leurrer d’espérances jusqu’à ce que les coupables ardeurs de la concupiscence se soient fondues dans sa graisse. Vit-on jamais rien de pareil ?

Mme PAGE. Les deux lettres sont identiques ; il n’y a que les noms de Page et de Ford qui diffèrent ! Pour votre consolation, dans cet étrange complot contre notre honneur, voici la sœur jumelle de votre lettre : que la vôtre hérite la première ; car, je le proteste, la mienne n’héritera pas. Je suis persuadée qu’il a un millier de lettres semblables, et peut-être plus encore, avec les noms propres en blanc, et celles-ci sont de la seconde