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LA TRAGÉDIE DE LOCRINE.

SCÈNE XV.
[Les abords du champ de bataille.]
Entre Humber.
humber.

— Que ne suis-je en quelque désert solitaire, — où je puisse exhaler à mon gré mes imprécations — et effrayer la terre de mes cris réprobateurs, — où tous les échos en chœur — m’aident à pleurer mes malheurs — en répétant mes douloureuses lamentations ? — Que ne suis-je en quelque affreuse caverne, — où je puisse à ma guise honnir, conspuer et maudire — les cieux, l’enfer, la terre, l’air, le feu, — et lancer à la voûte étoilée des malédictions — qui infectent les régions aériennes — et retombent sur la tête du breton Locrine ? — Vous, hideux esprits qui pleurez dans le Cocyte — et qui grincez des dents avec d’atroces lamentations, — vous, molosses effroyables qui hurlez dans le noir Léthé — et qui effrayez les spectres avec vos gueules béantes, — vous, sinistres spectres qui, en fuyant ces molosses, — vous plongez dans le Puryphlégéthon, — venez tous, et de vos notes criardes — poursuivez l’armée triomphante des Bretons. — Viens, féroce Érynnis, avec ton horrible chevelure de serpents, — venez, affreuses furies, armées de vos fouets, — et vous, les trois juges du noir Tartare, — suivis de toute l’armée des démons de l’enfer, — et broyez dans de nouveaux supplices les os du fier Locrine ! — Ô dieux ! ô étoiles ! maudits soient les dieux et les étoiles, — qui ne m’ont pas noyé dans les plaines de la belle Thétis ! — Maudite soit la mer qui, avec ses flots furieux, — avec ses lames écumantes, n’a pas brisé mes vaisseaux — contre les rochers de la haute Cérannie — et ne m’a pas englouti dans son humide abîme ! — Plût aux dieux