Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1867, tome 3.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
43
INTRODUCTION.

extraordinaire, lady Plus, éblouie, ne révoque plus en doute la science surnaturelle de George Peyboard ; elle est convaincue que son feu mari brûle bel et bien dans le purgatoire, et, pour le délivrer de ce supplice, elle offre d’épouser le capitaine Futile, le jour même où sa fille aînée deviendra la femme de l’enchanteur George. La double noce va être célébrée, quand intervient une dénonciation fort opportune qui dévoile la supercherie et empêche les deux puritaines de s’unir à deux chevaliers d’industrie.

Cette comédie bouffonne, qui rappelle un peu par sa conclusion la mystification des Précieuses ridicules, est une réjouissante satire dirigée contre la pruderie puritaine. Ces vertus farouches, vouées par un engagement solennel à un éternel renoncement, se laissent apprivoiser et séduire par les plus grossiers appâts. Ne vous fiez plus aux protestations hypocrites de ces bigotes. Leur rigidité prétendue n’est que le masque de leur trop réelle fragilité. Elles se donnent pour des saintes, et en réalité ce ne sont que des femmes. Elles ont fait serment de ne plus aimer, mais, qu’une occasion surgisse, et elles seront trop heureuses de se parjurer, et elles trouveront dans quelque indigne prédilection le châtiment de leur fausse vertu.

La Puritaine est une fort curieuse exposition des mœurs anglaises à la fin du seizième siècle. Si incroyable qu’elle nous paraisse aujourd’hui, la farce dont est dupe la veuve de Watling street est historique. L’énorme tour joué par George Pyeboard à lady Plus n’est que la répétition d’une grosse plaisanterie faite dans une hôtellerie de village par le poëte George Peele, un des prédécesseurs de Shakespeare. — Un jour le poëte s’arrête avec quelques amis sur la route d’Oxford, à l’auberge de Stoken, près de Wycombe. Là, la bande joyeuse fait un repas copieux. Mais un souci diminue l’allégresse de George : il n’a pas le son pour payer son écot. Que faire ? Il a l’ingénieuse idée d’escamoter la rapière