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LA PURITAINE OU LA VEUVE DE WATLING STREET.

me couvrir de confusion. Je puis bien proférer des paroles sonores, trépigner, prendre des airs effarés ; mais, s’il regarde par le trou de la serrure, à cette seule idée, je vais éclater de rire et tout gâter. Oui, je te l’avoue, George, dès que j’ai certaines idées en tête, je suis pris d’un tel fou rire que, quand le diable lui-même serait là, je rirais à sa barbe.

george.

Bah ! c’est un enfantillage. Pour réprimer cet accès, il suffirait de songer à quelque désastre, à quelque triste accident, comme, par exemple, la mort de ton père à la campagne.

le capitaine.

Diantre ! cette pensée-là donnerait à mon hilarité une telle frénésie que je ne pourrais plus cesser de rire.

george.

Eh bien, alors songe qu’on va te pendre.

le capitaine.

Morbleu ! l’idée est bonne. Maintenant, je ferai la chose à merveille, je te le garantis ; n’aie plus d’inquiétude. Mais comment faire, George, pour trouver des mots foudroyants et des noms horribles ?

george.

Bah ! capitaine, une invocation en charabias quelconque fera on ne peut mieux l’affaire, pourvu que tu la hurles congrûment. Ou bien tu peux aller à la boutique d’un apothicaire, et, apprendre tous les mots inscrits sur les boîtes.

le capitaine.

Ma foi, tu dis vrai, George, il y a là des mots assez étranges pour faire la fortune de cent charlatans, si pauvres qu’ils soient en commençant. Mais voici encore une chose à craindre : si, par suite de cette évocation fallacieuse, un diable véritable allait surgir tout de bon ?