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LES APOCRYPHES.

mauvaises gens, comme elle l’a fait dernièrement en patronnant les comédiens, à la grande douleur de toutes les personnes pieuses. Notre cité a été heureusement débarrassée de ce fléau de perversité et d’infamie qu’entretenaient naguère les représentations théâtrales. Je compte que Votre Honneur se joindra désormais à ceux qui depuis longtemps dénoncent ces représentations ; et je suis bien sûr que, si Votre Honneur savait quelles sentines de péché elles sont, il ne daignerait pas les honorer de sa bienveillance. »

Heureusement cette démarche fut vaine. Leicester resta sourd aux farouches prières de John Field, et laissa aux comédiens sa livrée tutélaire. La haute prédilection qu’avait l’aristocratie pour les spectacles et pour les fêtes fit avorter cette fois le sinistre complot des puritains. Malgré cet échec, ceux-ci ne se découragèrent point : ils avaient cette indomptable énergie qu’inspire le fanatisme. Prédications en plein vent et dans les églises, mandements, brochures, factums, pamphlets, — tous les moyens de publicité leur parurent bons pour continuer contre le théâtre leur guerre de calomnie. L’un des plus bruyants de la secte, Stephen Gosson, adressa au secrétaire d’État Walsingham tout un livre destiné à lui prouver que « les pièces de théâtre ne doivent pas être tolérées dans une république chrétienne. » À force de clabauder, ils obtinrent vers 1589 un léger succès. Les enfants de chœur de la cathédrale de Saint-Paul avaient joué dans leur salle d’école une pièce où était parodié. À la grande hilarité de la foule, un prédicateur calviniste. Les puritains, exaspérés, se plaignirent de cette exhibition qui livrait l’un d’entre eux à la risée publique, et obtinrent du conseil privé un ordre qui prohibait les jeux scéniques des enfants de Saint-Paul. L’ordre fut maintenu jusqu’en 1601.

Cette satisfaction donnée aux puritains par le gouverne-