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LA PURITAINE OU LA VEUVE DE WATLING STREET.

le boisseau. La beauté doit briller. Vous n’êtes pas avancée en âge au point de ne pouvoir plus être recherchée ; vous pouvez parfaitement convenir à un autre mari. Le monde est plein de beaux galants… Il y en a un choix suffisant, ma sœur… Car, je le demande, à quoi sont bons tous nos chevaliers, sinon à épouser les riches veuves, les veuves des citoyens opulents, les belles dames cossues ? Allez, consolez-vous, vous dis-je, laissez là les sanglots et les larmes… Pourtant mon frère était un bon homme… Je ne voudrais pas que le diable me vît à présent… Allons, reprenez courage… Voilà vos filles qui sont bien dotées et qui, à leur heure, seront également demandées par de bons maris… Ainsi toutes ces larmes-là seront bien vite séchées, et une vie meilleure que jamais… Eh bien, femme, vous n’allez pas toujours pleurer ?… Il est mort, il est enterré… Pourtant, moi non plus, je ne puis m’empêcher de pleurer sur lui.

lady plus.

Me remarier ! non ! Puisse-je alors être enterrée vive ! Puisse le chœur de l’église que je foulerais pour accomplir un tel dessein, devenir mon tombeau ! Et puissent les prières nuptiales du prêtre se transformer d’un souffle en oraisons funèbres ! Oh ! sur un million de millions d’hommes, je ne trouverais jamais un pareil mari. Il était incomparable, incomparable. Pas d’ardeur égale à la sienne ! Bien n’était trop cher pour moi… Je ne pouvais pas parler d’une chose que je ne l’obtinsse… Et puis, j’avais la clef de tout, je gardais tout, je recevais tout, j’avais l’argent dans ma bourse, je dépensais ce que je voulais, je sortais quand je voulais, je rentrais quand je voulais, et je faisais tout ce que je voulais (6). Oh ! mon doux mari ! je ne trouverai jamais ton pareil.

sir godfrey.

Sœur, ne dites pas ça ; mon frère était un honnête