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LA PURITAINE OU LA VEUVE DE WATLING STREET.

qu’aucune femme. Mais, hélas ! nos larmes ne sauraient le rappeler à la vie. Vous êtes, il me semble, fort instruite, ma sœur, et vous savez que la mort est aussi commune que l’humanité qui nous est commune à tous… On peut être emporté en lâchant de l’eau… Tenez, est-ce que le savant ministre, maître Pigman, ne nous disait pas tout à l’heure que toute chair est fragile, que nous sommes nés pour mourir, que l’homme n’a qu’un temps, et cent autres maximes du même genre, toutes profondes, toutes élevées, toutes dignes d’un rare compère, d’un savant émérite comme lui ? Par exemple (il y a abondance d’exemples), est-ce que sir Humphrey Bubble n’est pas mort l’autre jour ? Eh bien, sa veuve s’est montrée gaillarde ; elle n’a pas pleuré plus d’une demi-heure… Fi ! fi !… Puis, ç’a été le tour du vieux monsieur Fulsome, l’usurier ; encore une veuve bien sage ! elle n’a pas pleuré du tout.

lady plus.

Oh ! ne me rangez pas parmi ces méchantes femmes ; j’avais un époux qui éclipsait tous ceux-là.

sir godfrey.

Oui, sans doute, il les éclipsait tous.

lady plus, à Edmond.

Tu restes là à nous voir tous pleurer, et tu ne verses pas une larme pour la mort de ton père ! Ô fils impie ! héritier impie que tu es !

edmond.

Baste ! ma mère, je ne dois pas pleurer, j’en suis sûr. Je ne suis plus, j’espère, un enfant, pour faire rire tous mes anciens camarades d’école. On se moquerait de moi, si je m’attendrissais. De grâce, qu’une de mes sœurs pleure pour moi aujourd’hui ; je rirai autant pour elle une autre fois.

lady plus.

Ô sacrilége ! hors de ma vue, maudit rejeton ! Tu me fais