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LES APOCRYPHES.

que représentera dans la cité une pièce non autorisée par le conseil municipal sera puni de l’amende et de la prison.

La corruption de la jeunesse, l’excitation il la débauche, la subornation des mineurs, la perturbation de la paix publique, l’attentat aux mœurs, l’outrage à la morale, l’encouragement permanent à la sédition, à la prostitution et au vol, — tels sont les crimes officiellement imputés par les magistrats de la cité de Londres à ce théâtre qui tout à l’heure va être le théâtre de Shakespeare.

Les puritains applaudirent hautement à cet arrêté municipal dont ils avaient, en quelque sorte, dicté les considérants, et qui plaçait sous la surveillance de la police les représentations scéniques. Outragés par ce décret qui les assimilait à des bandits, les comédiens préférèrent l’exil à une censure odieuse. Ils s’enfuirent de la cité, et s’établirent dans les faubourgs, aussi près que possible de cette immense population dont la curiosité était leur gagne-pain. Burbage installa sa troupe à l’ouest de la ville, dans les ruines du couvent de Blackfriars, dont les antiques franchises le protégeaient, en attendant qu’il construisît au sud de la Tamise la scène du Globe ; Henslowe se transporta avec ses camarades au théâtre de la Rose, dans le Southwark, puis au théâtre de la Fortune, dans la paroisse de Saint-Gilles ; John Laneham émigra avec les siens au nord-est de la cité et se logea au Théâtre de Shoreditch ; à côté de Laneham, un autre entrepreneur de spectacles éleva une scène qui s’appela le Rideau ; un autre entrepreneur dressa ses tréteaux à côté de la Rose, dans la tour polygone de L’Espérance ; un autre ensuite érigea sa baraque à Newington-Butts, qui les jours de fête était un but de promenade pour les habitants de la ville. C’est ainsi que, peu à peu, la cité puritaine se vit investie de toutes parts, au couchant et à l’orient, au midi et au nord, par une ceinture de théâtres qui, surmontés de leurs drapeaux éclatants, se