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LE PRODIGUE DE LONDRES.

mathieu.

Vous pouvez vous tromper, sir Lancelot. L’italien a une jolie maxime. Questo ?… Je l’ai oubliée ; elle est sortie de ma tête, mais je la traduis ainsi : si tu as un ami, garde-le ; un ennemi, culbute-le.

lancelot.

Allons, je vois qu’il y a quelque chose entre vous, et Dieu sait combien je le déplore.

mathieu.

Eh bien, ce qui est entre nous ne peut être aplani. — Sir Lancelot, il faut que demain je monte à cheval. — La route que je dois prendre, nul ne peut — me la barrer ; aucun particulier — ne me peut contester le droit universel d’aller et de venir ; si quelqu’un — me dit : Flowerdale, tu ne passeras pas par ce chemin, — je répondrai : il faut que j’avance ou que je recule. — Mais reculer n’est pas ma consigne, je dois avancer. — Si l’on m’en empêche, je dois me frayer passage. — La destinée fait pour moi le reste, et tout est dit.

lancelot.

Maître Flowerdale, tout homme a une langue et deux oreilles. La nature en ses œuvres est une artiste consommée.

mathieu.

Ce qui équivaut à dire qu’un homme doit entendre plus qu’il ne doit parler.

lancelot.

Vous dites la vérité, et en effet j’en ai entendu plus long que je n’en dirai pour cette fois.

mathieu.

Vous parlez bien.

lancelot.

Les calomnies sont plus communes que les vérités, maître Flowerdale, mais l’expérience est le critérium des unes et des autres.