Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1867, tome 3.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
SCÈNE XIX.

du lynx, — j’ai pu tromper sa surveillance. — Non loin de Deucolitum, près de la plaisante Lee, — là où la Tamise saumâtre épanche ses flots d’argent, — en faisant une brèche à travers les dunes gazonnées, — Locrine a creusé sous la terre — un curieux caveau de marbre somptueux — dont les murailles sont garnies de diamants, — de saphirs, de rubis, d’émeraudes étincelantes, — alternés d’escarboucles brillantes comme des soleils — qui éclairent la salle d’un jour artificiel. — Les eaux de la Lee, détournées au moyen de tuyaux, — traversent le caveau, — où j’ai secrètement logé la belle Estrilde. — Là souvent, accompagné de mon page, — je fais mystérieusement visite à ma bien-aimée, — sans que le moindre regard me soupçonne ; — car l’amour est toujours fécond en ruses. — Et Locrine compte se rendre là toujours, — jusqu’à ce qu’Atropos ait coupé court à l’existence de mon oncle.

Il sort.

SCÈNE XIX.
[Les bords d’une rivière.]
Entre Humber, seul.
humber.

O vita misero longa, felici brevis !
Eheu ! malorum fames extremum malum !

— J’ai longtemps vécu dans cette caverne solitaire, — mangeant des fruits sauvages et de misérables racines, — dévorant les feuilles et les excréments des animaux. — J’ai eu les cavernes pour lits, et les pierres pour oreillers ; — j’ai eu l’inquiétude pour sommeil, et l’horreur pour rêve ; — car, à la moindre rafale, je me figure toujours — que