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SCÈNE XVI.

vie languissante, — et sentir incessamment la force du coup soudain de Cupidon. — J’ai réduit Humber à mourir d’une mort prompte ; — lui me réduit à souhaiter une prompte mort… — Oh ! ce doux visage peint avec les couleurs même de la nature, — ces joues où le rose se mêle à la blancheur de la neige, — ce cou décent qui surpasse l’ivoire, — ces seins charmants à rendre Vénus jalouse, — sont comme autant de piéges, tendus par un oiseleur rusé, — auxquels mon cœur défaillant s’est laissé prendre. — Les tresses d’or de sa chevelure exquise, — qui resplendissent comme des rubis au soleil, — ont tellement enlacé le cœur languissant du pauvre Locrine, — qu’il lui est impossible de s’en dégager. — Combien est vrai ce que j’ai si souvent ouï dire : — pour un atome de joie, un monde de soucis !

estrilde.

— Dure est la chute de ceux qui d’un trône d’or — sont précipités dans un océan de détresse.

locrine.

— Dure est la servitude de ceux qui, par une boutade de Cupidon, — sont roulés dans les vagues d’une anxiété sans fin.

estrilde.

— Ô royauté, vouée à toutes les misères !

locrine.

— Ô amour, la plus calamiteuse des calamités !

Il s’assied sur son trône.
premier soldat.

— Monseigneur, en pillant les tentes des Scythes, — j’ai trouvé cette dame, et pour manifester — le profond dévouement que je porte à votre grâce, — je présente ma prisonnière à votre majesté.

deuxième soldat.

— Il ment, monseigneur ! C’est moi qui le premier ai trouvé cette dame, — et je la présente ici à votre majesté !