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APPENDICE.

me donne quelque soulagement en m’embrassant, et par ses baisers apaise mon angoisse.

Apollonie, contemplant l’extrême beauté de son épouse, et se ressouvenant des traits de sa face et de la grâce qu’elle avait en parlant, tout honteux et larmoyant, dressa ses excuses, disant :

— Ah ! madame, pardonnez-moi si la longueur du temps, l’assurance que j’avais de votre mort et la douleur qui me tient saisi, m’ont ôté cette connaissance de vous, que le vrai et chaste amour a empreint de telle sorte en mon esprit, qu’il est impossible que jamais cette impression soit effacée en mon âme. Cette face pâlissante, ces cheveux mal peignés et la barbe hideuse et hérissée, les longs, pénibles et continuels voyages que j’ai faits, les veilles, les tourments et fâcheries vous peuvent assez témoigner combien Apollonie aime celle que la vertu et l’honnêteté, et non les folles amours, lui ont donnée pour loyale compagne et pudique épouse. Ce n’est pas Archestrate que j’ai rejetée, puisque je pensais de vous ce qu’un pèlerin doit respecter en celle qui préside au sanctuaire d’une si haute déesse que Diane, craignant le courroux des célestes, si autre que mon épouse m’eût osé m’embrasser en l’enclos de son temple. Maintenant que je reconnais mon ancienne disciple, que je recouvre ma moitié perdue, que ma joie reprend force, et que les dieux ont compassion de ma peine, je ne ferai plus conscience (ce disant il embrassa étroitement, et en pleurant chaudement, Archestrate) d’accoler ni baiser saintement, en un lieu saint, celle de laquelle la divinité me donne en son temple une désirée reconnaissance.

Et se mit à lui baiser la bouche, les yeux et les joues ; et, lui prenant les mains, quoiqu’elle ne voulût le souffrir, en usa tout ainsi que si encore il n’eût fait que commencer à lui faire service. Et, après ce, commande à Tharsie d’approcher, laquelle présentant à sa femme, lui dit :