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LES APOCRYPHES.

Votre incrédulité persiste-t-elle ? Eh bien, laissez-moi, pour vous convaincre, vous signaler un dernier trait, une magnifique explosion. — Salisbury, dupe d’une fausse alerte, est accouru à Calais pour annoncer à Édouard III la défaite et la mort du prince son fils. Édouard III se tourne alors vers sa femme qui sanglote, et lui dit :

« Du courage, Philippa ! Ce ne sont pas des pleurs qui nous rendront notre Édouard, s’il nous a été enlevé. Console-toi dans l’espoir d’une vengeance signalée, effroyable, inouïe. Le roi Jean m’a dit de préparer les funérailles de mon fils. Eh bien, soit ! Mais tous les pairs de France suivront le deuil en versant des larmes de sang jusqu’à ce que leurs veines soient taries. Leurs ossements seront les piliers de son cercueil ; les cendres de leurs cités seront l’argile qui le recouvrira. Son glas funèbre, ce sera le râle des mourants ; et, en guise de cierges sur sa tombe, cent cinquante tours embrasées flamboieront ! »

Je pourrais multiplier les citations. Mais l’espace commence à me manquer, et il est temps de terminer une étude déjà trop longue. D’ailleurs l’œuvre est là, scrupuleusement traduite. Que le lecteur la lise, et qu’il juge.

Il me reste a résoudre une objection qui a souvent été élevée contre la thèse que je soutiens ici : comment se fait-il qu’Édouard III, s’il est véritablement de Shakespeare, n’ait jamais été publiquement avoué par lui ? Comment se fait-il qu’aucune des éditions connues de ce drame ne porte son nom ? À ceux qui posent cette question, je pourrais répondre par cette autre question assez embarrassante, on en conviendra : Comment se fait-il que Roméo et Juliette, imprimé en 1597 et réimprimé en 1599, puis en 1609, n’ait jamais été publié du vivant de Shakespeare avec le nom de Shakespeare ? Comment se fait-il que la signature de Shakespeare ne soit apposée ni à la première édition de