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APPENDICE.

lonie. Pour ce, le requit de lui faire serment de la vérité de ce fait, s’assurant, comme le siècle d’alors était entier et les hommes plus loyaux que maintenant, que pour mourir il ne jurerait chose fausse : le seigneur tyrien jura par le haut Jupiter que tout ce qu’il avait dit contenait vérité, et qu’il cherchait son prince pour le ramener en son pays et le faire paisible possesseur d’une ample et riche seigneurie. C’est ici qu’Apollonie se nomme et se déclare aux siens, qu’il les embrasse et chérit, qu’ils l’honorent et lui font révérence, qu’il dit à sa femme, que maintenant elle peut voir s’il n’est pas de maison, et s’il lui a menti soi disant fils de roi et héritier d’une belle province, qu’il la prie de lui donner congé d’aller en son pays, afin qu’elle eût moyen de se dire l’épouse plutôt d’un grand roi que d’un naufragé, et banni, et d’un simple et pauvre gentilhomme.

— Je ne doutai jamais, monsieur, dit-elle, que vous fussiez autre que celui que vous êtes et que vous me dites dès le commencement, vu que votre vertu et gentillesse ne pouvait se celer sous la saleté d’un pauvre et déchiré vêtement ; au reste, vous voulez si soudain vous en aller prendre possession de votre royaume, comme s’il pouvait se perdre, tandis que, pour quelque temps, vous serez avec nous, et si notre pays ne suffisait pour soutenir le mari et la femme tout ensemble. Je ne veux pas dire que l’amitié soit refroidie de vous envers moi ; bien dirai que moi, étant si proche de mes couches que je suis, si vous étiez en votre pays, encore devriez-vous revenir pour y assister et vous réjouir avec les vôtres en l’accroissement de votre nom et liguée ; ce nonobstant, monsieur, suis-je prête à faire ce que me commanderez et de m’accommoder à votre bon plaisir et volonté, sauf que je ne veux vous abandonner ; ains, si vous montez sur mer, il faut qu’avec vous je coure une même fortune, vu que sans vous je ne pourrais vivre, et votre présence est et sera à jamais le contentement de mon âme.